"Mugshot", "perp walk", menottes… Une comparution "à double tranchant" pour l'image de Donald Trump

Publié le 4 avril 2023 à 16h52, mis à jour le 5 avril 2023 à 10h48

Source : TF1 Info

Inculpé dans l'affaire Stormy Daniels, Donald Trump doit passer devant le juge ce mardi 4 avril.
Cette comparution, une première pour un ancien président américain, est scrutée de près par les médias américains.
De son côté, le républicain de 76 ans, candidat à la présidentielle de 2024, fait tout pour contrôler l'image qu'il renvoie.

Au-delà de la bataille judiciaire, la bataille de l'image. Inculpé dans l'affaire Stormy Daniels, Donald Trump doit comparaître au tribunal à New York lors d'une audience sans précédent. Le républicain de 76 ans est effectivement le premier président américain à être soumis à une telle procédure judiciaire. Alors que celui-ci s'est déjà déclaré candidat à la présidentielle de 2024, il s'agit donc pour lui de contrôler son image dans cette affaire, qui concentre toutes les attentions, notamment médiatiques.

Négociations entre les avocats et le magistrat

"Jusqu'à présent, la procédure était inquisitoire, donc secrète. Là, on va passer à une phase contradictoire, où les avocats de l'accusé ont enfin leur mot à dire devant un juge, puis devant un jury", explique auprès de TF1info la politologue spécialiste des États-Unis, Marie-Christine Bonzom. Le passage à cette nouvelle phase permet par conséquent aux avocats de Donald Trump de commencer à effectuer leur travail de défense, en prenant en compte l'image que leur client va renvoyer. 

"Dans le contexte américain, les avocats d'un accusé peuvent négocier à peu près tout avec le procureur et avec le magistrat en termes d'apparence, de la manière dont l'accusé, ici Trump va apparaître, menotté ou pas menotté... tout ça est le jeu de négociations entre les partis et le magistrat", précise encore Marie-Christine Bonzom. À quelques heures de la convocation de Donald Trump devant le juge, prévue à 14 h 15 à New York, soit 20 h 15 à Paris, plusieurs éléments sur le déroulé de ce moment ont par conséquent été discutés.

Une séquence judiciaire millimétrée

Donald Trump, qui clame son innocence et assure être victime d'une "chasse aux sorcières", devrait quitter son gratte-ciel de la mythique 5e avenue en fin de matinée mardi, heure locale. Une fois au tribunal, il est censé se soumettre au rituel que connaissent tous les prévenus, devant décliner son nom, son âge, sa profession puis effectuer un relevé d'empreintes digitales. Toutefois, des dispositions spéciales seront prises pour l'ancien président.

Se pose ainsi la question du "mugshot", la photo d'identité en noir et blanc normalement utilisée par le service judiciaire. Avant l'ancien président américain, plusieurs stars aux États-Unis n'avaient pas pu y échapper. Mais pour les avocats de Donald Trump, cette photo, qui peut être jugée humiliante, ne sera pas nécessaire. "Il n'y a pas besoin d'être théâtral", a ainsi défendu l'avocate Alina Habba auprès de CNN. "Les photos d'identité judiciaire sont faites pour que les gens reconnaissent qui ils sont. Il est le visage le plus reconnu au monde, sans parler du pays, à l'heure actuelle, donc il n'y a pas besoin de cela", a-t-elle affirmé.

Lors de la procédure habituelle, le prévenu est mis en garde à vue, puis emmené dans la salle d'audience, menottes aux poings, lors du fameux "perp walk", le chemin de l'inculpé, durant lequel la personne arrêtée est présentée publiquement devant les médias. L'ancien président devrait néanmoins passer peu de temps en garde à vue et d'après son avocat Joe Tacopina, il est fort probable qu'il ne soit pas menotté. Il pourrait néanmoins avoir à traverser des couloirs du tribunal, en présence de médias.

Il a négocié pour que les moments les plus humiliants ne soient pas montrés
François Clemenceau, ancien correspondant aux Etats-Unis

Leur présence ne sera néanmoins pas permise durant l'audience, comme l'a décidé le juge Juan M. Merchan, les débats ne devant être ni diffusés, ni photographiés. Si les caméras sont généralement interdites dans les salles d'audience de New York, les organisations de presse avaient demandé une exception pour un nombre limité de vidéastes, photographes et journalistes radio. La décision du juge répond à un souhait dans ce sens exprimé par les avocats de Donald Trump. Ceux-ci avaient affirmé que les caméras allaient créer une "atmosphère de cirque", soulèveraient des problèmes de sécurité et "porteraient inévitablement préjudice" à l'accusé.

C'est lors de cette audience que devront être rendus publics les chefs d'inculpation, jusque-là inconnus. Quelques éléments ont néanmoins fuité dans les médias. Ils seraient une trentaine, liés à la falsification de documents d'entreprise, a avancé lundi soir Yahoo News, citant une source anonyme. L'article a provoqué la colère de Donald Trump, qui a accusé le procureur de Manhattan Alvin Bragg, en charge du dossier, d'avoir "illégalement fait fuiter" des informations sur son inculpation.

Une inculpation qui impacte déjà la campagne 2024

Pour le milliardaire qui a passé une grande partie de sa vie à courtiser les caméras, chaque élément de cette procédure est contrôlé de près. "Bien sûr qu'il a négocié pour que les moments les plus humiliants de la séquence à venir ne soient pas montrés", jugeait sur LCI le rédacteur en chef du JDD, ancien correspondant aux États-Unis, François Clemenceau. "En revanche, l'idée de pouvoir apparaitre, avant et après, dans une posture de victime lynchée par la justice de gauche new-yorkaise, il va l'exploiter. C'est dans son intérêt, quels que soient les fondements de son inculpation".

Cette affaire, qui remonte à 2016, tombe effectivement mal pour l'ancien président. Celui-ci a annoncé sa candidature à la présidentielle 2024 il y a peu et est par conséquent déjà en campagne. "C’est à double tranchant pour Donald Trump. Il va essayer de capitaliser dessus en attaquant ces poursuites judiciaires comme une persécution politique envers lui. Pour le moment, ça semble marcher dans la mesure où Trump a une base extrêmement solide", indique Marie-Christine Bonzom.

Un sondage récent réalisé par Fox montre effectivement que le candidat à la Maison Blanche a creusé l'écart avec son potentiel adversaire pour être le candidat républicain, Ron DeSantis. L'annonce de son inculpation a même eu un effet bénéfique sur sa levée de fonds en amont de la campagne pour la présidentielle. Selon le média Axios, l'ancien président a récolté plus de 5 millions de dollars depuis, plus de 4 millions de dollars au cours des premières 24 heures et plus d'un million de dollars la journée suivante.

"La position de Trump ressort pour le moment consolidée en tant que chef de parti pour la prochaine présidentielle", souligne Marie-Christine Bonzom, qui nuance néanmoins les effets positifs de cette inculpation. "Sur la longueur, ce procès risque d'éroder son soutien parmi certains Républicains et chez les électeurs indépendants", souligne l'experte, "au sein du parti républicain lui-même et au sens large, dans l'opinion publique américaine, les gens sont un peu fatigués de la 'saga Trump', des péripéties, d'une certaine virulence verbale, des affaires... Il y a aussi le désir, au sein du parti républicain, de trouver un candidat autre que Trump, sans casseroles". Cette inculpation, alors que le républicain pourrait l'être dans de prochaines affaires, risque d'accroître cette lassitude.


Aurélie LOEK

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